Moi Et Les Bouquets de la Mariée – 3
Tu l’auras deviné, le 30 avril 2011 devait être le théâtre d’un nouveau lancé de bouquet de mariée. En prévision, j’avais entrepris une préparation mentale sérieuse afin d’affronter la horde de filles trépignantes et sans pitié agglutinées prêtes à se jeter sur le bouquet. Ce bouquet serait à moi, mon trophée, le signe tombé du ciel sur ma tête, un message magique et tout puissant hurlant dans mes oreilles « FONCE, MA FILLE, MAIS FONCE DONC ! ». Et je serai partie en courant, et, du jour au lendemain, j’aurai réussi tout ce que j’entreprenais.
Cependant, la fête fut si belle, les mariés tellement beaux… Personne n’y a pensé, la mariée a gardé son bouquet, il n’y a pas eu de lancé.
Pas de message magique, il ne me restait plus qu’à dépérir un peu plus. Mais une petite voix toute faible se mit à me murmurer à l’oreille « allez, cocotte, dépatouille-toi »…
Le 24 septembre 2011, évidemment, un nouveau lancé de bouquet était prévu. J’ai tout de suite constaté que la concurrence ne serait pas rude. Heureusement, car j’étais sous-entraînée, autant physiquement que mentalement. J’avais un peu tenu compte de la petite voix et je me sentais un peu moins fripée que lors du dernier lancé, mais une petite tristesse était montée en moi durant l’été. « Pourquoi tous, ils se marient, et pas vous ? » qu’elle me disait, la tristesse… « T’es pas assez belle ? T’as trop de cernes sous les yeux, c’est ça ? Ou est-ce que tu n’es pas assez brillante ? En gros, tu n’es pas la femme de sa vie, et il n’ose pas te le dire… ». Quelle méchante tristesse…
Rapidement, en jetant un coup d’œil autour de moi, j’ai vu la sœur de la mariée qui n’osait pas approcher et les autres filles qui faisaient semblant d’être absorbées dans de grandes discussions philosophiques. Tout d’un coup, me retrouver là, à attendre le lancé derrière la mariée m’a tellement semblé ringard. Je n’ai même pas vu mes deux adversaires : deux petites fillettes de moins de 10 ans. Le combat fut clairement inégal. J’ai évidement attrapé avec facilité, souplesse et élégance le bouquet jeté par la mariée. Cependant, le plus dur fut de le conserver durant la soirée : les deux fillettes me suppliaient en m’implorant du regard « tu vas te marier alors ? » « Je ne sais pas », je répondais. « Alors donne-nous le bouquet ! » et leur yeux devenaient méchants. J’ai trouvé le courage dans le regard de mes amies qui disait clairement « pitié, tu ne vas quand même pas te laisser avoir par ces deux gamines ! ».
Depuis ce jour, le bouquet dépérit dans la cuisine. Mon amoureux et moi, on n’est toujours pas marié. Et finalement, qu’importe ! Cette expérience m’a permis de découvrir une douceur qui se laisse difficilement saisir par des mots. De redécouvrir une liberté que j’avais oubliée dans un carton dans un coin du grenier. Ce bouquet m’a redonner la force d’y croire. Je n’ai pas encore eu le courage de dire à mon amoureux « zut, à la fin, on s’aime, non ? On s’aime comme si c’était pour la vie, épouse-moi, faisons un bébé ». Mais je fais des petits pas, jour après jour. Le capital dans tout ça, le miracle, l’illumination réside dans une petite phrase : j’avance, de nouveau.