La vie… puis la mort (3)

Je venais d’apprendre ma grossesse, de l’annoncer à mon amoureux ! J’étais si forte et indestructible, envahie par une joie et une confiance en la vie immense ! Le lendemain, grand-papa décédait. J’ai ressenti une légère petite tristesse, mais elle ne pesait pas bien lourd. Dans trois mois, j’aurais pu lui annoncer qu’il allait devenir arrière-grand-papa. La vie en a décidé autrement. La vie a continué. La grossesse non. Quelle douleur. Insoutenable. Mais tellement révélatrice. On ne m’avait pas dit que je pouvais donner la mort. J’ai enfourché ma bicyclette, j’ai longé le fleuve en pleurant. Tellement d’espoir parti si vite. Comme quand on vous ferme une porte devant le nez et que vous ne savez plus où aller, parce que vous n’avez pas le recul nécessaire et tout ce qui se trouve dans votre champ de vision, c’est cette horrible porte. J’avais encore des larmes plein les yeux lorsque, mince, j’ai vu ma mère traverser la rue. Vite, essuyer mon visage, composer un sourire, parler d’une voix sure et claire, surtout ne rien laisser voir « Aller voir tante ? Maintenant ? Oui, pourquoi pas. » Essayer de parler de tout et de rien, mais je n’arrivais pas, craignant de fondre en larme alors je faisais semblant d’écouter. Personne n’a rien remarqué. Tante est morte le lundi suivant. Pendant l’ensevelissement, et maintenant encore, je l’imagine se baladant dans les nuages avec mon petit pas né. Elle tient un petit garçon par la main et il rigole, il rigole… Elle était tellement drôle, tante… Surement que les deux, ils vont voir mes grands-parents dans leurs fauteuils de coton et qu’ils les font rire un peu… ils font les clowns… J’ai l’impression d’être la seule à pleurer dans l’église.

J’oublierai mes chats morts. Je n’oublierai pas les décès de grand-papa, de tante et d’Hugo.