Pourquoi se taire ?
Deux verres de vin blanc et un verre de rouge. Dans la vieille ville aux odeurs de printemps… Trois personnes autour d’un projet : une pièce de théâtre. Un homme, un peu narcissique et maniant avec brio l’art de la parole. Deux femmes. La première coquette, ouverte, super. La deuxième (moi), nature et introvertie.
On avait parlé d’être connecté… ou pas. De l’influence de la génération de nos grands-parents sur nos vies… ou pas. Et je m’étais vexée comme une écolière parce que je n’arrivais pas à répondre aux questions qu’il assénait tel un professeur sur la vie de mes grands-parents. Et j’étais rentrée avec l’envie de faire une recherche approfondie sur la biographie de ma grand-maman pour lui clouer le bec la prochaine fois avec mon savoir illimité sur l’année de la rencontre entre mes grands-parents, l’année de leur mariage, la date exacte de la naissance de leur premier enfant, l’emploi du temps détaillé de leurs journées et les implications exactes des 5 générations qui m’ont précédées sur le fonctionnement de ma vie.
Quelques jours ont passés depuis et j’ai trouvé pourquoi je me suis tue au lieu de prononcer d’une voix claire : « Ecoute, tes idées sont intéressantes mais je me sens agressée par tes questions. Je n’avais pas de relation particulière avec ma grand-mère, j’étais une parmi 30 petits enfants. Elle est décédée et je ne ressens exprespas le besoin de fouiller dans sa vie, car j’ai d’autres projets en cours pour l’instant. Ce qui m’intéresserait, c’est que toi, tu me racontes ce que tu as trouvé sur tes grands-parents. » Malheureusement, j’ai, encore, joué à la bonne élève. C’est énervant à la fin, ce réflexe de tout renier pour obtenir une bribe d’admiration, de ne pas être vraie pour ne pas avoir à défendre mes opinions.
J’ai donc quitté la conversation et me suis mise en arrière plan. Mon amie, était-ce pour me défendre, lui a dit ce qu’elle pensait. Finalement elle s’est vexée et levée brusquement de table en prétextant qu’elle devait se rendre tôt demain matin au garage. Nous nous sommes dirigées toutes les deux d’un pas léger vers la sortie. Il est resté seul, sur scène, avec son verre de rouge.