La longue quête

Elle marchait péniblement dans la vie avec un immense sac à dos pendu à ses épaules. Les bretelles laissaient des marques dans sa chair et son dos souffrait sous ce poids qui l’enfonçait en terre. Dans ce sac, elle y avait mis sa barbie aux cheveux violets, son train électrique, sa maman et son papa, ses frères et sa soeur, ces amis qu’elle ne voyait plus beaucoup, sa grand-mère et cet oncle qu’elle avait tant haï.

Il y a de cela quelques années, elle était partie sur sa route, ses boucles blondes tombant en cascade devant ses yeux, avec l’envie de devenir quelqu’un et de leur montrer à tous à quel point elle était formidable. Mais elle n’arrivait jamais bien loin. Elle avait trop peur des ricanements des autres.

Un jour, elle vit quelqu’un oser vraiment. Cette rencontre l’empêcha de fermer l’oeil de la nuit. C’était donc possible, d’oser ! Et elle aussi, elle en serait capable, un jour ! Cette certitude la remplissait de joie et d’enthousiasme. Et les semaines, les mois qui suivirent, elle essaya de trouver une réponse à la question : comment ? Parfois, entrevoyant une esquisse de réponse, elle posait son sac à terre, repoussait une mèche de cheveux derrière son oreille, et la notait sur un petit bout de papier. Elle glissait ensuite celui-ci dans une petite boîte cabossée qu’elle gardait précieusement au fond de son sac.

Lors d’un long voyage en train, son sac à dos posé sous le siège, elle ouvrit The Right to Write de Julia Cameron au chapitre 3. Elle perçut un truc indéfinissable, peut-être même une révélation, alors elle traduisit ces mots sur son petit calepin jaune :

 » Quand nous nous oublions, il devient facile d’écrire. Nous ne nous tenons pas là, rigide comme un soldat, notre égo tout entier vibrant dans notre très important « moi ». Quand nous nous oublions, quand nous renonçons à être bon et que nous nous concentrons à être seulement un écrivain, nous commençons à faire l’expérience de l’écriture à travers nous. L’écrivain embarrassé, timide, se retire et devient autre chose, le véhicule pour l’expression de soi. »

Elle sortit sa boîte cabossée de son sac et regarda un à un les petits morceaux de papier.

« Je voulais être bonne, je voulais donner, je voulais… Et ça, c’est la pire des choses en étant comédien. Il faut laisser passer, s’abandonner, s’abandonner au texte, s’abandonner à l’espace, à ce qu’on sent. Tandis que si on veut être bon, aïa ! Là, c’est de l’orgueil, et l’orgueil vous perd, dans toutes les circonstances de la vie, ça, j’en suis sur ! »

Anne-Laure Vieli

« Stoppez le petit vélo dans votre tête qui répète toujours les mêmes rengaines. Et dites ce que vous pensez vraiment. Dans la grande majorité des cas, les autres vous accueilleront positivement. Et si vous essuyez quelques échecs, et bien, ce n’est pas si grave, car le bonheur d’être vous-même sera au rendez-vous. »

Isabelle Filliozat

« Etre sans peur veut dire que l’on peut être confiant, honnête, sincère, transparent. Cela apporte la paix intérieure. »

Dalaï Lama

Elle regarda longuement ces petits bouts de papier, lisant et relisant ces phrases, essayant d’en trouver le sens caché, les liens qui les unissaient. Puis, haussant les épaules, elle les remit dans leur boîte.

« Les personnes qui osent, ce sont celles qui s’oublient », pensa-t-elle. « Et pour oser, il faut renoncer à devenir quelqu’un. Vouloir devenir quelqu’un me coupe de moi-même… » Elle prit une grande respiration et décida de laisser cette quête qui n’était plus la sienne. Elle décida d’apprendre à parler à sa peur de ne pas être aimée à chaque fois qu’elle se tiendrait devant elle et de la rassurer. Et elle décida d’apprendre à s’abandonner à la vie. Elle comprit surtout que ce serait un long chemin. Elle coinça ses belles boucles blondes derrières ses oreilles, et le monde vit enfin ses yeux bleus magnifiques. Elle offrit sa barbie aux cheveux violets et son train électrique à une petite fille, elle sortit de son sac sa maman et son papa, ses frères et sa soeur, ses amis qu’elle ne voyait plus beaucoup, sa grand-mère et cet oncle qu’elle avait tant haï et leur souhaita une belle vie.

Elle quitta le train et continua sa route, légère et confiante.

  1. J’aime beaucoup cet article ! J’ai l’impression qu’il me parle vraiment, je me retrouve un peu dedans, et j’essaie de noter des trucs, ça pourra toujours m’être utile dans mon travail d’écriture ^^

    1. merci ! Ces petites phrases me parlent aussi, alors je les écris pour ne pas les oublier. La prochaine étape ce sera de les « incarner » en quelque sorte… Bon travail d’écriture !

  2. Un texte vraiment très touchant et c’est tellement vrai ! L’extrait de Julia Cameron est juste. C’est quand on lâche prise que l’on devient authentique. J’ai le livre et c’est un bijou. Les citations sont excellentes. Douce nuit à toi.

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