Le poseur de tableau

Tu as débarqué dans mon salon. Que faisais-tu là ? Je ne voulais pas de toi ici. De ton énorme carcasse, de ton visage crispé, de ta démarche d’éléphant. Pas de toi dans mon salon. Pas de toi dans mon appartement. Pas de toi dans ma vie.

Je n’ai pourtant rien dit, je me suis contentée de te regarder avancer. J’ai continué à te regarder décrocher les rares décos et poser des tableaux choisis par toi. Suis-je restée sans voix ? T’ai-je remercié ? Je ne me rappelle plus. Par contre, je me souviens très bien qu’intérieurement, je criais. Je ne veux pas de tes tableaux, je ne les veux pas. Mais que fais-tu ici ? Mais ça rime à quoi ? Dès que tu seras parti, je les enlèverai, tous, tous, et je les jetterai.

Tu es parti sans un mot, sans une explication.

J’ai jeté tous les tableaux.

Quelque temps plus tard, me levant en pleine nuit pour aller aux toilettes, je t’ai vu, tu étais là ! Un cri de peur, ou de surprise, brisa le calme. Une faible lueur éclairait le salon. Les murs étaient couverts de tableaux. Des petits, des grands, des longs, des larges ! Partout ! J’étais furieuse ! Moi qui préfère la sobriété d’un mur peu habillé !

Je te criais « je ne les garderais pas tous » tout en essayant de voir ce qu’ils représentaient. Ils étaient sombres. Je ne voyais rien. A cause de la pénombre ou parce qu’ils ne s’agissaient que de toiles noires ?

Et je continuais « je ne les garderais pas tous » au lieu de te dire franchement que je n’en voulais aucun.

Jusqu’au moment où je me suis réveillée… Finalement, ce n’était qu’un rêve… Vraiment ?