Loterie
C’est le creux de la nuit. Je suis fatiguée. J’ai pris froid. L’hiver s’est abattu sur moi avant que je n’aie le temps de faire une incursion au grenier pour sortir mes gros pulls en laine. Des pleurs, des cris… J’extrais mon corps de la chaleur du lit… Il ne pourrait pas dormir ! Quand enfin il se rendort, sa petite main est posée sur mon cœur, je la sens encore, comme tatouée à jamais sur ma peau, dans ma chair.
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L’épidémie des ventres ronds recommence, ma belle-sœur, mes copines… Et, bien malgré moi, je suis envahie de pensées pas jolies-jolies (celle du « pourquoi elles et pas moi », la pensée du « je n’y arriverai jamais, suis trop vieille, ma vie sera ratée », le sentiment du « je crève de trouille », la pensée du « bien fait pour toi, tu pensais avoir la recette »).
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Dimanche soir, je m’étais promis d’aller au loto du ski-club. J’honore ma promesse malgré la fatigue et j’accompagne mon papa. La village a rempli la salle de gym, de part et d’autres des longues tables, des visages connus, des mains qui testent les tubes de couleur qui font des petits ronds sur les numéros, des rires, des bruits de chaise, un brouhaha avant le silence lors de la criée. Il me reste à chaque fois tellement de numéros sur le carton. Le temps passe long. J’observe les gens en face de moi, je me prends d’affection pour la petite dame à côté de moi qui sort une médaille de Saint-Antoine trouvée sur le chemin, je me dis qu’elle doit penser, en voyant mon visage fatigué, que je porte la guigne et qu’elle ne m’invitera plus à m’assoir à côté d’elle. Je souris quand Bébert murmure avec tant de douceur « Tais-toi, ma chérie » et je découvre que le gars que je croyais sympa est désagréable et irrespectueux.
Je n’ai rien gagné. Mais j’ai bien fait de venir. La vie, c’est comme le loto. Si on n’a pas carton plein, on y est absolument pour rien. On n’a pas prise sur les numéros tirés. On ne peut pas modifier les numéros imprimés sur la carte. On peut l’accepter, et passer une bonne soirée. Mais si on est persuadé qu’il y a une explication derrière notre manque de veine, alors on va inventer des histoires à dormir debout. Et on se retrouve envahi de pensées pas jolies-jolies…
Puissance de la métaphore, et sagesse de votre choix de laisser la vie nous arriver 🙂
… oui … j’apprends encore … si vite je retombe dans l’illusion de pouvoir tout contrôler …
Je pense qu’on se bat tous plus ou moins avec ces illusions 🙂
Oui, tous plus ou moins pareil!
« Aimer même le carton vide » ou « L’art de la tranquillité intérieure ».
Surtout qu’à la vitesse où… mais pas besoin de te faire de dessin, n’est-ce pas.
Douce nuit à toi. Et à lui. Et à l’autre. J’espère que vous dormez profondément.
Me suis endormie à la musique de tes mots … « malgré nos longs détours et les chemins qu’on croyait prendre » … Merci
Coucou à vous 😃 super article émouvant la vie est comme le loto mais c est nous qui la dirigeons .. nous sommes mettre de notre destin à nous de vouloir que les choses bougent je vous invite aussi à parcourir mon blog laviehealthydegaelle.com à bientôt
Merci pour ce texte émouvant Green Norden et pour cette métaphore de la vie. Quels sont les moments agréables que tu as vécus au cours de cette soirée ? Excellent week-end à toi ! 🙂
Pleins… de revoir tous ces gens… c’est comme si tout le village se réunissait un dimanche soir sur deux… c’est très particuliers… une belle chaleur se dégage du silence… puis, lorsque quelqu’un crie « carton », c’est l’effervescence, on regarde qui a gagné, quoi, combien, on compte les numéros qui restent sur la carte, on peste, on boit un verre, on se retrouve tous ensemble, tous différent…