Chutttt….
J’ai déjà écrit là à quel point j’avais été touchée par le podcast de Charlotte Pudlowsky « Ou peut-être une nuit »… Après, j’ai lu « La Familia Grande » de Camille Kouchner, « La petite fille sur la banquise » d’Adélaïde Bon, « Le consentement » de Vanessa Springora, « Le viol du silence » d’Eva Thomas, « La fabrique des pervers » de Sophie Chauveau. Je suis en train de lire « Le berceau des dominations » de Dorothée Dussy. Je m’étais dit que j’allais le lire avant de répondre à « mon » oncle incesteur… Ce soir, j’en suis à la page 275, et dans la cuisine, j’ai poussé un soupir tonitruant et désespéré.
Je cite Dorothée Dussy :
« Et si on ne peut pas compter sur les incestés pour se taire toute leur vie, alors l’incesteur doit faire en sorte que, s’ils parlent, leur version des souvenirs communs ne soit pas plus crédible que celle de l’incesteur, mais qu’elle soit tout au plus équivalente en termes de crédibilité. L’équité des versions profite toujours à l’incesteur car, à choisir, aucun membre de la famille ne souhaite compter parmi elle un violeur d’enfants ».
Mon incesteur a fourni sa version. Après il s’est jeté d’un pont, tentative de suicide ratée. Dans sa lettre, il me dit bien que je suis la victime, que je ne suis coupable de rien. La commissaire avait l’air contente pour moi, de m’annoncer qu’il fournissait des explications à son acte. Il explique dans sa lettre avoir eu une déception sexuelle, avoir peut-être trop bu et consommé du cannabis, et avoir fait une descente psychologique… A le lire, lui non plus n’est pas responsable de ce qui est arrivé.
Je sens bien que « ma petite heure de gloire » est bientôt finie. Ce n’est plus que l’histoire de quelques jours avant que je puisse consulter le rapport de la police. La thérapie va s’achever d’ici quelques mois. La parenthèse qui me permettait d’en parler aux membres de ma famille du côté maternel pour essayer de faire bouger les choses s’achève. C’est le moment pour moi de tourner la page. D’aller mieux. C’est du passé. A quoi bon tout remuer. Ca fait du mal. Elle ne va quand même pas nous les briser à vie ? Ou bien ? On a fait du mieux qu’on a pu… Elle veut quoi, au juste, nous détruire ?
Oui, parce que comme le dit Charlotte Pudlowski « toutes les victimes d’inceste ont appris à se taire. Ce n’est pas un désir délibéré, vous ne vous réveillez pas le lendemain d’un viol la bouche cousue. Je me suis rendue compte qu’on vous apprends à vous taire. C’est tout un système structuré dans les familles, qui vous enseigne le silence. Et ensuite, on vous apprends que si vous parlez, personne ne voudra vous entendre. »
Avec toutes ces histoires, j’ai ressorti mes cartons d’archives avec mes poèmes et mes journaux intimes. Je retranscris ci-dessous un poème écris il y a environ 25 ans… Tous ces mots qui bouillonnaient en moi mais qui n’avaient pas le droit de sortir… Après tout ce temps, et même malgré mes démarches, ma situation ne me parait pas beaucoup différente…
Dans le cœur de mon inexistence
Ces mots résonnent
Au plus profond de mon néant
Ces mots se chevauchent et je n’y comprends rien
Sauf peut-être
Un début de sens
Dans ces bruits qui tonnent
Qui courent dans mon sang
Je ne suis plus rien
Sauf la tristesse d’un mal-être
Si profond dans son inexistence
Ce silence qui me retire ou qui me donne
Un tragique portrait d’un récit finissant
Je n’y comprends rien
Si tout pouvait s’éteindre, alors, peut-être….
Heureusement que j’ai une furieuse envie de vivre et de me battre. Je ne sais juste pas trop comment…