Quête d’espace
J’ai bien sur acheté le livre de Sarah Jollien-Fardel, « Sa préférée ». Elle est de mon pays, et c’est incroyable l’écho qu’a eu son livre, je l’ai dévoré, j’ai adoré voir mon canton écrit par ses mots, y voir décrit ce sentiment qui parcourt beaucoup de femmes d’ici qu’on on sort des montagnes et qu’on longe le lac Léman. Ce lac ! Cette fuite comme une délivrance ! Puis le retour dans le creux de la vallée, l’étrangeté des gens d’ici, la violence, les non-dits, la beauté de cette nature qui contraste avec le courage qu’il faut pour y survivre. Je me suis sentie moins seule…
J’ai été au déjeuner littéraire à la médiathèque où elle a raconté la naissance puis le parcours du livre, cette envie de se faire éditer à Paris, les exigences, le milieu, l’envie d’écrire un autre roman, mais que pour l’instant, il lui manquait d’espace. Il lui fallait de l’espace. Il faut de l’espace pour écrire un livre…
J’ai ce projet d’écriture mais je n’ai clairement pas d’espace. A mon retour de la médiathèque, j’ai donc entrepris de supprimer le plus d’applications possible sur mon téléphone…les mails, les journaux, etsy, intsa, twitter, linkedin, wordpress…
Et depuis, je prends mon téléphone, et… plus rien… j’ouvre l’application meteosuisse, je vais voir la concentration de pollen mesurée en temps réel, puis, je repose l’objet… Je n’ai plus les dernières nouvelles, les dernières indignations, je ne me perds plus sur instagram. J’avoue, c’est flippant, l’espace, le temps à disposition, devoir prendre des décisions « qu’est-ce que je fais là, maintenant, de ma vie ? ».
Alors j’allume l’ordinateur. J’ai repris le blog. J’ai même rendu mes impôts en avance ! J’écoute ma sœur qui se sépare, je lis mon amie qui se sépare, je lis Mona Chollet, l’anniversaire de mon mari, étendre le linge, lire des histoires à mon fils, prendre enfin rendez-vous pour cette écho des seins, être clouée au sol par un rêve, tout laisser tomber pour hurler ma colère au téléphone (rapport à ma sœur, dans ce coin de pays, si on est une femme, on n’est pas grand-chose…) J’essaie de combler le vide comme je peux…
Dans tout cet espace, il m’en est resté quand même un peu pour mon projet d’écriture. Mais ça me parait tellement immense… En aurais-je peur ?
Je me rappelle les mots de cet enseignant du dharma, ces mots auxquels je m’étais accrochée après cette retraite à Genève et qui, avec le temps, ont pris tellement de sens :
« Au lieu de produire de l’effondrement, de la fermeture, comment est-ce que ça peut produire de la bienveillance, de la compassion, de la tendresse, de l’amour ? Quelque chose de vibrant, de la présence, du courage, de l’équilibre, de l’acceptation ? »
Pourquoi cette peur surgit-elle face à ce projet ? Pourquoi l’acceptation ne serait pas une option, cette fois-ci ?